jeudi 1 octobre 2009

New York : de l'art, un mannequin, un avion en balsa.


Grand fan du MoMA Design Store depuis ma première visite dans la "Pomme", je n'avais jamais franchi le pas de visiter le musée en lui-même. Et puis après avoir découvert le MoMA (comprenez "Museum of Modern Art") de San Francisco, l'Institut d'Art Moderne de Boston, le MoMA de New York manquait donc à mon tableau de chasse culturel...
Le musée est situé Midtown, au niveau de la 52e rue et de la 6e avenue. Je laisse donc derrière moi un Times Square surpeuplé en ce samedi après-midi, et me dirige vers Central Park en remontant la 6e. Je rentrerai tout à l'heure par la 5e et ses boutiques de luxe.
Surprise. En effectuant ma tradititionnelle visite au Design Store, j'avais l'habitude de voir une longue file d'attente stationner devant l'entrée du MoMA. En ce samedi ensoleillé mais frais, je m'attendais donc à devoir patienter sur ce bout de trottoir de Manhattan. Que nenni ! Je me défausse instantanément des 20$ de l'entrée (ouch ! Et j'ai évidemment oublié de conserver le ticket pour m'en faire rembourser la moitié par le CE...) et arrive au pied de l'escalier menant au premier étage des cinq que compte le bâtiment.
Je visite le musée à ma façon. Pas de plan. Et surtout pas de ces hideux audioguides pourtant - et c'est une délicate attention - gratuits. Pas envie de me laisser mener par ces prothèses de sensibilité, ces générateurs d'émotions figées gravées dans l'immuabilité incarcérante de livres d'art. Non, je l'avoue, j'aime céder à la facilité d'émotions spontannées lorsque je suis confronté à l'art, quel qu'il soit. Je profite de ce qu'il reflète, provoque en moi sans chercher à en savoir plus. J'admets que la recherche de cette stimulation pure, physique, peut participer d'un fond de flemmardise, et d'égoïsme : je n'apprendrai presque rien aujourd'hui que je pourrais transmettre à d'autres. Mais le plaisir, dit-on, est égoïste.
Alors je me promène, et je m'arrête très peu, car c'est aussi la successivité et l'hétérogénéité qui à mon sens rendent un musée vivant. Je conçois les œuvres les unes par rapport aux autres. Comme si je me projetais des diapositives à la vitesse d'un film. Quitte, éventuellement, à repasser une image plusieurs fois pour m'en imprégner. De temps en temps, je vais m'arrêter, pourtant. C'est un peu comme au poker : on laisse passer pas mal de mains, et puis sans trop savoir pourquoi en arrive une que l'on joue. Alors dans ce cas, je mise. Pour voir. Je mets le film en pause et vais glaner quelques infos. Le nom de l'artiste. Et puis surtout le titre de l'oeuvre. Encore une fois, non pas pour apprendre quelque chose (ça c'est un plus !), mais pour aller un chouïa plus loin dans l'expérience de l'œuvre. Le titre va faire surgir d'autres émotions, à un autre niveau que le visuel. L'esthétique de l'œuvre, le trait, sont une expression de l'artiste dont on n'a pas les clefs (qui plus est en termes d'art moderne !). Le titre aussi est une expression, mais codée via le langage, qui bien qu'arbitraire est compréhensible par tous. En titrant son œuvre, un artiste ouvre une porte... Ou la ferme d'un "sans titre" !
Les galeries se succèdent sous mes yeux et mes pieds : design, architecture (mon côté Parisien reconnaît non sans une certaine fierté une maquette du parc de La Villette), photographies... J'apprécie également l'architecture du musée en lui-même qui pour moi fait partie du spectacle. Au bout d'un moment, je me sens presque saoul, enivré par la succession des couleurs, des formes, des sons. Et puis la lassitude me gagne. Il faut dire que j'ai mes 7h30 de vol dans les pattes, et qu'il est dans les 21h à mon horloge interne. C'était bien. Mais il faut savoir s'arrêter. Alors je ressors. Un saut à la boutique du musée, puis je remonte comme prévu la 5e avenue jusqu'au parc.

Je fais un tour chez FAO Schwartz : j'adore ces grands magasins de jouets américains : il y a toujours d'énormes sculptures en Légo, des avions qui volent dans tous les coins, des trains électriques qui ronronnent, des peluches qui parlent, des Barbies qui draguent... Et des gamins qui jouent. C'est plutôt pas mal ça pour un magasin de jouets. Je trouve qu'il n'y a rien de pire que de dire à un enfant "NE TOUCHE PAS !" dans un magasin de jouets.

Comme un musée avec audioguide "OBLIGATOIRE !".

Je ressors, après avoir tâté les peluches, et commis un jeter de "planeur-boomerang". C'est dingue : un petit avion en balsa, et quoi que tu fasses, peu importe comment tu le lances, il revient toujours à son point de départ !

Je redescends, cette fois, la 5e avenue en direction de l'hôtel. Les enseignes les plus chics se succèdent, avec comme sur les Champs-Elysées les japonais qui se prennent en photo devant. Je ne le vois pas encore, mais je sais que j'approche d'un Abercrombie. Non, le PNC n'est pas doté d'un radar spécial. Simplement, un magasin Abercrombie, ça se renifle dix blocs à la ronde. Comme dans les dessins-animés où le méchant cuisine un truc pour attirer le pauvre gentil dans son antre pour mieux le dévorer. Ben là c'est pareil. Mais c'est plutôt pour mieux nous dépouiller. Devant l'entrée, un attroupement. D'hystériques pucelles se font prendre en photo avec un mannequin au genre vachement Fitch. Il est torse nu, glabre comme un bébé, et des trucs bizarres font des espèces de vagues sous sa peau autour du nombril. Des abdos ? Merci Ami Terrien, j'ai appris un mot ! Vraiment, cette mercantilisation du corps humain me débecte. Chez Victoria's Secret je dis pas ! Mais là ? Franchement ?

Ma mauvaise foi et moi pénétrons dans le magasin, en jouant des coudes parmi les sus-mentionnées pucelles (l'une d'elle gît, évanouie sur le côté, le corps secoué de spasmes incontrôlés). A l'intérieur il fait noir. Comme d'habitude, la musique est à fond. Ajoutez à cela le parfum A&F omniprésent, et vous en arrivez à la conclusion suivante : des études ont dû prouver que la saturation des sens facilitait le business. Je visite l'immense magasin à ma façon. Les t-shirts, les sweat-shirts, les chemises, les jeans se succèdent devant moi. De temps en temps un vêtement m'attire, alors je regarde son titre. Enfin ici on dit son "étiquette". Et contrairement à tout à l'heure, celles-ci ouvrent bien peu de portes. Et les intentions des artistes sont parfaitement explicites. Faire du fric ! Beaucoup de fric, plein de fric pour faire tourner le rêve américain !

Je ressors. Une légère nausée due au parfum me retourne la poitrine, et je me bouche les oreilles dans l'espoir de réduire les acouphènes. Sur le trottoir, une équipe du 911 évacue la pauvre pucelle énamourée sous les yeux impassibles de Fitch-le-mannequin. Ses euh... zabdos, c'est ça ? font encore tout plein de vagues. Les habitants de son nombril sont sous le coup d'une alerte au tsunami.

Passage à l'hôtel. Un peu de repos, il est 17h locale, soit 23h à Montreuil. Il est temps d'aller dîner. La fatigue est tombée d'un coup, la faim aussi. Pas envie de me prendre la tête. Je descends Broadway jusqu'à Times Square. Il y a ici un monde dingue. Samedi soir : les files d'attentes pour les célèbres Musicals de Broadway fleurissent ça et là. C'est ma chance, pas grand monde dans les restos. Je pousse la porte du TGI Fridays (littéralement : "Dieu Merci C'est Vendredi ! ). L'hôtesse m'installe à une table au deuxième étage. Il y a du baseball sur ESPN. En attendant mon burger, je sirote une Sam Adams en regardant l'écran comme si je comprenais quelque chose à ce qu'il s'y passait.

Et y'a pas de titre sous la TV.

Le lendemain après-midi, je suis du côté de la porte 2 de notre terminal de départ à JFK. J'attends avec d'autres les collègues qui ont profité de notre avance pour faire quelques achats au Duty Free. Dans quelques minutes nous embarquerons pour effectuer le briefing du vol retour vers CDG. Dans la salle d'embarquement, un blondinet jette devant lui un petit avion en balsa qui très vite revient dans sa main après avoir tourné en rond.

En entrant dans le 777 par la porte 2 gauche, je caresse furtivement la carlingue.

Et contre toute attente, c'est pas du balsa.



Montreuil, le 01/10/09


1 commentaire:

  1. Merci pour cette visite par procuration =) et cette description précise de l'anatomie étraaaange du jeune homme. Il ne doit bien y avoir qu'à NY que ça existe, ce genre de specimen =)

    RépondreSupprimer