mardi 27 octobre 2009

O.N.U soit qui mal y pense


Nous avons profité de notre séjour à New York pour visiter avec Marine le siège des Nations Unies. Pour ma part, j'étais déjà allé faire le tour des murs de cette honorable institution il y a dix ans de cela, au cours d'un voyage scolaire. J'en gardais quelques souvenirs fugaces, et je m'attendais ce jour-là, une décennie plus tard, à constater un minimum de changement.

Quelques rappels pour situer les choses... L'ONU est une organisation internationale dont la quasi-totalité des états de la planète est membre. Le but ultime : la paix mondiale. Les Nations-Unies furent fondées en 1945 sur les cendres de la Société Des Nations (SDN) qui n'avait pas réussi à empêcher la survenue de la seconde guerre mondiale... Les opérations de maintien de la paix sont assurées aux quatre coins du monde par les célèbres "Casques Bleus", soldats prêtés par les différents états membres, mais formés par l'ONU. Quelques célèbres émanations de l'organisation : l'UNICEF (United Nations Children's Emergency Fund), chargée d'oeuvrer pour la condition des enfants de par le monde; l'UNHCR (Haut Commissariat aux Réfugiés), ou bien encore l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture), dont le siège est d'ailleurs situé à Paris. Cocorico!

Bref, quand on voit tout ça on dit respect.

Mais revenons à notre journée de tourisme. Que vaut cette visite ? Est-elle à la hauteur des desseins qui se jouent ici chaque jour ? Une fois passé l'inévitable filtre de sûreté, vous n'êtes plus sur le sol américain, mais en territoire international. Du reste l'ONU a son propre bureau de poste, et émet des timbres qui ne sont valables que pour le courrier posté depuis l'Organisation. Une aubaine pour les philatélistes. Je reconnais vite les lieux et me rends à l'évidence. Rien n'a changé. Si ce n'est que les murs et la déco ont -mal- vieilli.
Il y a une visite guidée par jour en langue française, il s'agit de ne pas la manquer. Notre guide est un jeune péruvien. Il parle l'anglais, le français, l'espagnol, l'italien et le portuguais. Respect. Les instructions sont claires. "Et s'il vous plait, madame sset monsieur, jé donne lé ssexplications y aprrès vous prénez les photos, mais pas pendant qué jé donne les ssexplications". Oui mon guide, bien mon guide ! La visite commence par la présentation de quelques cadeaux offerts par les états-membres. On ne va pas se mentir, et dire les choses clairement. Ils sont pour la plupart très kitschs et très moches. La Belgique par exemple a offert une immense carpette... oups pardon, on dit "tapisserie", bleuâtre, hyper chargée, aux motifs façon "Latin classes de 4e et 3e, éditions Belin". "Et madame sset monsieur pour faire cetté magnifique tapisserie, lé fil qué les artistes issont itilissé pourrait faire quatré fois lé tour dé la Terre !". Waouh ! Surtout qu'il ne se sente pas obligé de passer par Montreuil, le fil ! Non non, mais respect, c'est du boulot quand-même... La palme de l'antiglamour, et à mon sens du cynisme, revient certainement à un cadeau de la Chine. C'est une sculpture en ivoire de taille respectable. Les éléphants sacrifiés sont certainement très fiers, du paradis des pachydermes, d'avoir contribué à cette oeuvre généreuse. De loin, ça ressemble à une grosse motte de bouse blanc cassé, avec des morceaux. Mais comme le dit le guide, il faut s'approcher pour observer le soucis du détail, la finesse du point comme dirait Gigi. Effectivement, il faut reconnaître que c'est un travail de fou, très habilement exécuté. Ben oui, mais c'est moche. Manque plus que le chat qui lève la patte droite à côté et on est chez Lee Pâh Ôlee, spécialités vapeurs avenue de Choisy. Sans parler de ce que la sculpture représente : une magnifique montagne de quelque région reculée de la campagne chinoise... défigurée, éventrée de part et d'autre par un chantier de construction de voie ferrée, avec grues et lampadaires. Joli message d'espoir pour ta planète, Ami Terrien. "Et s'il vous plait, madame sset monsieur, sachez qué cette cadeau il a été offert aux Nations SSounis, presqué quatorssan avant qué la vente dé l'ivoire il soit interdit." Ah bon ben ça va alors... Si j'étais le gars responsable des cadeaux à l'ONU, je suggérerais avec tact et doigté à certains pays de s'abstenir pour Noël et d'envoyer comme étrennes des bons-cadeaux à l'UNICEF. Au moins, on fait pas de faute de goût et ça fait toujours plaisir.
Pour la suite de la visite, il est prévu de repasser devant la carpette belge pour l'observer sous un autre angle... Quand on aime... Bon ce sera rapide car une équipe médicale est affairée auprès d'une touriste visiblement sous le coup d'un trop plein d'émotions artistiques, et on nous demande de dégager rapidement.
En fait de visite, la suite du tour guidé comprend essentiellement le commentaire de panneaux explicatifs sur les rôles et les accomplissements divers de l'organisation : campagnes de déminage, présentation du matériel fourni aux enfants ou aux réfugiés dans les pays en guerre ou en crise. A un moment est évoquée la Convention d'Ottawa, traité international de désarmement qui interdit l'acquisition, la production, le stockage et l'utilisation des mines antipersonnelles. La quasi-totalité des états-membres l'ont signé. Quelques exceptions : la Chine, la Corée du Nord... et les États-Unis. Tiens tiens... Bizzarement, ça ne leur fait pas mal de figurer sur la même liste que leurs ennemis jurés... Et on pourrait s'amuser aussi avec la liste des pays qui pratiquent encore la peine de mort (alors que la majorité des historiens s'accorde à situer la fin du moyen-âge vers 1492...). Je suis loin de me considérer comme un anti-américaniste primaire. N'empêche que leurs contradictions me frapperont toujours !
Seul réel temps fort de la visite, le passage par la salle du Conseil Général est plaisant. C'est un très bel hémicycle surmonté d'une coupole. Et c'est là que les membres votent les résolutions. Il faut avouer que les lieux ont quelque chose de grandiose et solennel. Respect.




Bref, tu l'auras compris, Ami Terrien, j'ai été un peu déçu par cette visite. Le passage au pied du sapin pour admirer les cadeaux prend un tiers de la visite, et c'est sans intérêt. L'expo sent l'opération de communication à plein nez, et le curieux qui veut s'informer trouvera tout ça sur la première page Wikipédia venue. Heureusement qu'il est offert au visiteur de siéger quelques instants dans la salle du conseil. Mais il reste sur sa faim et aurait aimé pouvoir faire de même dans la salle du Conseil de Sécurité par exemple...

L'O.N.U. reste une belle entreprise, un magnifique défi lancé par des humains pour des humains. Respect. Mais la visite vous laisse un goût amer d'inachevé. Ne serait-on pas là face à une gigantesque machine à se donner bonne conscience ? A voir l'incapacité des hommes à s'entendre, à les voir transformer la richesse potentielle que devrait représenter le fait de croire ou de ne pas croire en des dieux différents en prétexte à s'entretuer, à voir une grande démocratie comme les Etats-Unis préférer faire du profit en vendant des mines que d'épargner des vies d'enfants, on se dit forcément que tout ça est un peu vain.

Et tout l'ivoire des éléphants chinois n'y changera rien...



Montreuil, le 27/10/09

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